Q/R avec Samuel Vergès, responsable.
Directeur de recherche INSERM à l’Université Grenoble Alpes et responsable de la Chaire Montagne Altitude Santé.
C'est quoi l'hypoxie ?
L’hypoxie est une condition caractérisée par une réduction insuffisante de la disponibilité en oxygène dans les tissus et les organes du corps. Cela se produit lorsque la pression partielle d’oxygène dans l’air inspiré est inférieure à la normale ou lorsque le sang ne peut pas transporter suffisamment d’oxygène aux cellules. L’hypoxie peut résulter de diverses situations, telles que des altitudes élevées, des problèmes respiratoires, des maladies pulmonaires, des situations d’insuffisance cardiaque ou des troubles de la circulation sanguine. Les symptômes de l’hypoxie peuvent inclure des difficultés respiratoires, de la fatigue, des maux de tête, de la confusion et même des troubles plus graves dans les cas graves. La compréhension de l’hypoxie est essentielle pour la médecine de montagne, l’aviation, la médecine aérospatiale et d’autres domaines liés à la santé et à la sécurité dans des environnements à faible teneur en oxygène.
Pourquoi étudier l'hypoxie ?
Étudier l’hypoxie revêt un enjeu majeur en raison de ses implications importantes pour la santé, la performance humaine et la médecine. L’hypoxie, ou le manque d’oxygène, est un facteur essentiel dans les environnements de haute altitude et dans divers contextes médicaux. Comprendre ses effets sur le corps humain permet de mieux gérer les risques pour les alpinistes, les voyageurs en altitude et les populations vivant dans ces régions. De plus, l’hypoxie peut offrir des opportunités pour améliorer la santé et la performance en stimulant des mécanismes d’adaptation bénéfiques. Les études sur l’hypoxie ont le potentiel de révéler des stratégies préventives, thérapeutiques et d’amélioration des performances, ainsi que d’approfondir notre compréhension de la physiologie humaine. En somme, la recherche sur l’hypoxie contribue à la sécurité, au bien-être et aux avancées scientifiques, ce qui en fait un enjeu d’une grande importance. d’accordéon
Sur quoi portent les travaux de la chaire Montagne Altitude Santé ?
L’objectif de la Chaire de recherche Montagne Altitude Santé est d’examiner les réponses du corps humain face aux conditions montagnardes et aux activités qui s’y déroulent, telles que l’habitat, les loisirs et le travail..
Le premier axe se concentre sur les réactions et les inadaptations du corps humain à l’environnement extrême de l’hypoxie en altitude. Cela inclut l’examen des réponses des individus de basse altitude face à l’hypoxie en altitude, crucial pour les loisirs (randonnée, alpinisme, aviation, etc.) et les professions (guides, scientifiques, pilotes, etc.) en milieu élevé. L’objectif est d’identifier des marqueurs de tolérance, des facteurs prédictifs et des solutions novatrices. De plus, les populations vivant en haute altitude, qui ont développé des adaptations générations après générations, sont une source d’inspiration scientifique. Le projet Expédition 5300 au Pérou explore l’adaptation humaine à l’hypoxie chronique dans la ville la plus haute du monde, La Rinconada.
Le deuxième domaine d’intérêt concerne les activités sportives en plein air en montagne, en mettant l’accent sur le trail. Ces pratiques présentent des caractéristiques distinctives qui en font un sujet d’étude novateur et captivant sur le plan scientifique, offrant des implications significatives pour les parties prenantes impliquées dans le soutien aux pratiquants : entraîneurs, fédérations, professionnels de la santé, entreprises, institutions publiques, organisateurs d’événements sportifs, etc.Un projet initial dans ce domaine est la création d’un laboratoire en conditions réelles avec l’épreuve de trail UT4M à Grenoble. Des collaborations de recherche sont également en cours avec d’autres événements sportifs en plein air tels que l’UTMB et des partenaires industriels.
Le troisième axe porte sur l’utilisation bénéfique de l’hypoxie pour la santé et la performance constitue le troisième axe. Bien que l’hypoxie soit généralement considérée comme délétère dans divers contextes pathologiques, les résultats de recherches, notamment du laboratoire HP2 à Grenoble, suggèrent qu’une exposition contrôlée à l’hypoxie peut en fait stimuler des mécanismes d’adaptation bénéfiques à la santé, dans un processus appelé conditionnement hypoxique. Ces approches peuvent avoir des applications préventives et thérapeutiques novatrices pour diverses pathologies chroniques.
Outre leur contribution à la prise en charge des personnes en altitude, ces études sur l’altitude et l’hypoxie visent à mieux traiter les maladies à composantes hypoxiques, en identifiant des mécanismes physiologiques et génétiques pour une médecine personnalisée. Ces recherches offrent également de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les maladies cardiovasculaires et métaboliques chroniques en explorant l’hypoxie contrôlée (axe 3) de manière novatrice.
Quels sont les défis spécifiques auxquels sont confrontés les alpinistes et les voyageurs en altitude en ce qui concerne leur santé?
Les alpinistes et voyageurs en altitude font face à des défis uniques pour leur santé en raison des conditions environnementales extrêmes. L’une des préoccupations majeures est l’hypoxie, une réduction de l’oxygène disponible qui peut entraîner des maux de tête, des étourdissements et même des problèmes respiratoires graves. De plus, l’exposition aux rayonnements ultraviolets est accrue en altitude, augmentant le risque de coups de soleil et de problèmes dermatologiques. L’acclimatation progressive est essentielle pour minimiser ces risques, tout comme la prévention des engelures dues au froid intense. Les voyageurs doivent également surveiller leur hydratation et leur apport nutritionnel pour maintenir leur énergie et leur santé générale.
L’hypoxie d’altitude, est-ce une opportunité pour une meilleure santé ?
Il est nécessaire de creuser davantage nos connaissances pour établir les niveaux adéquats (liés à l’altitude) et la fréquence des périodes d’hypoxie, ainsi que la présence potentielle de pathologies sous-jacentes. Cela nous permettra de discerner les effets nocifs des effets bénéfiques sur l’organisme. En outre, il est important de considérer l’environnement en altitude dans son ensemble, au-delà de la seule hypoxie. En effet, des facteurs tels que le rayonnement ultraviolet, le taux d’humidité et la température jouent un rôle dans les effets sur la santé. Afin d’explorer les impacts de la vie et des séjours en moyenne montagne, le laboratoire Hypoxie Physiopathologie (HP2) de l’INSERM à l’Université Grenoble-Alpes et la Chaire « Montagne Altitude Santé » de la Fondation Université Grenoble-Alpes (Fondation UGA) ont établi un partenariat avec le département de l’Isère et l’agence Isère Attractivité.
La vie en moyenne altitude
Un grand nombre d’individus sont touchés par la vie et les séjours en moyenne altitude. Environ 8 % de la population mondiale habite à des altitudes moyennes, situées entre 1 000 et 2 500 mètres.
En France, cette situation concerne 1 314 municipalités, ce qui équivaut à une population de 800 000 personnes (source : INSEE, Institut national de la statistique et des études économiques). Dans le département de l’Isère, environ 32 000 individus résident dans 58 communes situées à plus de 900 mètres d’altitude. Parallèlement, la montagne continue d’attirer les adeptes de la randonnée et du ski : environ un quart des voyages estivaux se déroulent en montagne, et pendant la saison hivernale, la moitié des vacanciers optent pour un séjour en montagne.
L'alitude simulée, objectifs et conséquences
L’altitude simulée, également connue sous le nom d’altitude artificielle ou hypoxie simulée, est une méthode utilisée pour reproduire les conditions d’oxygène réduites que l’on trouve généralement à des altitudes plus élevées. La recréation de l’état d’hypoxie ressenti en moyenne montagne est réalisable en utilisant des espaces tels que des chambres hypoxiques ou des tentes spéciales, ainsi qu’avec des dispositifs dédiés qui réduisent la concentration d’oxygène dans l’air inhalé. Des méthodes dérivées de l’entraînement en hypoxie consistent à exposer régulièrement des individus à ce milieu, par exemple avec des séances quotidiennes pendant vingt jours consécutifs ou trois à cinq séances par semaine sur huit à douze semaines. Cette approche a été étudiée chez des personnes en surpoids, montrant des avantages accrus pour l’activité physique, notamment une amélioration de la capacité d’effort. Des effets positifs sur l’hypertension artérielle ont également été observés lors de séances d’hypoxie au repos. Chez les personnes ayant une lésion de la moelle épinière, l’hypoxie au repos facilite la respiration. Dans l’ensemble, l’altitude simulée s’inscrit dans le concept de « conditionnement hypoxique » et offre une approche novatrice dans le domaine du bien-être, de la performance et de la santé, que ce soit pendant le repos, l’effort ou même le sommeil.
Quelles sont les principales conséquences médicales de l'exposition à de hautes altitudes?
L’exposition à de hautes altitudes peut entraîner plusieurs conséquences médicales. L’une des plus courantes est l’hypoxie, où le faible niveau d’oxygène peut causer des maux de tête, des nausées, de la fatigue et des problèmes de sommeil. Le mal aigu des montagnes (MAM) est une condition plus grave qui peut provoquer des symptômes tels que des vertiges, des vomissements et des problèmes respiratoires. L’oedème pulmonaire et l’oedème cérébral de haute altitude sont des complications potentiellement mortelles liées à une exposition prolongée en altitude, entraînant respectivement des difficultés respiratoires et des troubles neurologiques. De plus, les risques de déshydratation, de gelures et de troubles digestifs peuvent également augmenter en altitude. Il est essentiel de comprendre et de gérer ces risques pour assurer la sécurité et le bien-être des individus en altitude.
Quelles sont les stratégies de préparation physique et médicale recommandées pour minimiser les risques liés à l'altitude?
Pour minimiser les risques liés à l’altitude, il est recommandé d’adopter certaines stratégies de préparation physique et médicale. Tout d’abord, une acclimatation progressive en passant par des altitudes intermédiaires permet d’atténuer les effets de l’hypoxie. L’hydratation constante est essentielle pour éviter la déshydratation, tandis qu’une alimentation équilibrée et riche en glucides assure un apport énergétique suffisant.
L’entraînement en endurance préalable peut améliorer la tolérance à l’altitude, tout en renforçant le système cardiorespiratoire. Les suppléments de fer peuvent prévenir l’anémie, fréquente en haute altitude. Les médicaments tels que l’acétazolamide peuvent être prescrits pour prévenir le mal aigu des montagnes. Enfin, une connaissance des symptômes de l’altitude et la vigilance face aux signes de détérioration de la santé sont cruciales pour agir rapidement en cas de problème. Une approche proactive combinant préparation physique, adaptation et suivi médical contribue à minimiser les risques pour ceux qui se rendent en altitude.
Existe-t-il d'autres applications de vos travaux de recherche ?
Au-delà de ses implications vitales pour notre organisme, la compréhension des effets du manque d’oxygène revêt une importance cruciale dans le domaine de l’exploration spatiale et des projets d’établissement dans l’espace. Les experts de l’exploration spatiale envisagent de recréer, au sein des futures capsules et habitats spatiaux, des conditions d’air équivalentes à celles d’altitudes relativement élevées sur Terre. Par conséquent, l’étude des effets de l’altitude terrestre sur le corps humain contribue également à la préparation de la vie future en dehors de notre planète.
Est-ce qu'il y a moins d'oxygène en altitude ou est-ce un abus de langage ?
Il n’est pas incorrect de dire qu’il y a moins d’oxygène en altitude, mais pour être plus précis, on pourrait dire qu’il y a une pression partielle d’oxygène plus basse en altitude. À mesure que l’altitude augmente, la pression atmosphérique diminue, ce qui entraîne une réduction de la pression partielle d’oxygène. Cela signifie qu’il y a moins de molécules d’oxygène par unité de volume d’air à des altitudes plus élevées, ce qui peut avoir un impact sur la disponibilité d’oxygène pour la respiration et les processus métaboliques dans le corps. En somme, bien que l’expression « moins d’oxygène en altitude » soit couramment utilisée et comprise, la réduction de la pression partielle d’oxygène est la caractéristique clé de l’environnement en haute altitude.